Research by Eline Westra et Kinda Haddad
La Russie a laissé entendre qu’un membre clé de la Coalition menée par les États-Unis aurait tué six civils dans les zones rurales de la province d’Alep le 17 octobre – une accusation que le ministre de la défense belge a démenti furieusement, criant à la “désinformation russe”.
La prise de bec arrive à un moment où une pause déclarée par Moscou semblait d’être respectée dans la ville d’Alep elle-même – avec la suspension des frappes aériennes du régime russe ainsi que syrien, après des semaines de bombardements féroces.
Selon le ministère de la défense russe, l’incident aurait eu lieu dans le village de Hassajek. Il avait été référencé dans un bulletin quotidien qui en principe met l’accent sur «la réconciliation des côtés opposés de la République arabe syrienne».
La controverse suscitée par cet incident dévoile à quel point il est difficile de monitorer les frappes aériennes en Irak et en Syrie, et en particulier dans les régions d’Alep où de nombreux groupes pourraient théoriquement être responsables.
Dans l’interprétation russe des évènements, « le village d’Hassajek a subi une frappe aérienne le 18 octobre à 3 heures du matin. Deux maisons ont été détruites, six personnes ont été tuées et quatre autres ont été blessées. Les forces aériennes russes et syriennes n’étaient pas présentes dans cette zone ».
La Russie semble d’accuser la Belgique, l’un des plus petits membres de la Coalition menée par les États-Unis : Les avions de la coalition internationale effectuaient des missions près du village de Hassajek la nuit sur Octobre 18. Des systèmes de contrôle ont détecté deux F-16 des Forces aériennes du Royaume de Belgique dans la zone au moment indiqué.
Le gouvernement belge a réagi avec fureur à les allégations. Dans un tweet, le ministre de la défense belge Steven Vandeput a crié à « la désinformation russe ». Laurence Mortier, porte-parole du ministre de la Défense, a démenti que la force aérienne belge ait été impliqué. «Nous n’avons pas effectué des vols dans la zone hier, ni pendant les jours avant », a raconté Mortier à Airwars.
België niet betrokken bij burgerdoden Aleppo. Russische desinformatie.
— Steven Vandeput (@svandeput) October 19, 2016
Le démenti belge des allégations est compliqué par les mauvais résultats de la Belgique du point de vue transparence : le pays est l’un des moins transparents des 13 membres de la Coalition. Au cours des deux dernières années, la Belgique n’a publié ni les dates, ni les lieux de l’une de ses frappes aériennes en Irak ou en Syrie. Les informations de cette semaine ont seulement été dévoilées dans le contexte de « l’accusation par la Russie », a dit Laurence Mortier.
L’absence quasi totale de transparence de la Belgique sur ses activités pour la Coalition a entravé les tentatives d’évaluer si ses bombes ont causé des potentielles victimes civiles – et, dans le même temps, il est difficile d’exonérer le pays de toute responsabilité quand des allégations de victimes civiles surviennent.
Confusion dans les zones de conflit
Il est également possible que les revendications de la Russie aient été malhonnêtes. Les rapports locaux ne sont pas clairs quant à savoir si les victimes signalées dans le village de Hassajek étaient des combattants ou des civils. Dans les batailles qui ont récemment eu lieu dans la zone, différents groupes étaient impliqués, comme Daesh, des rebelles soutenus par la Turquie, et des forces kurdes.
La Turquie, bien qu’officiellement membre de la coalition anti-Daesh, effectue actuellement des frappes aériennes unilatérales en faveur des rebelles dans les zones rurales d’Alep – y compris une faction luttant autour de Hassajek.
Le 20 Octobre, l’Agence de presse étatique de la Turquie a signalé que les avions turcs ont mené des frappes sur 18 milices kurdes durant la nuit, dans une zone située au nord d’Alep et près de l’incident de mardi. Des rapports turcs ont indiqué que près de 200 personnes ont été tuées. Il n’est pas clair si toutes les personnes tuées étaient des membres de groupes armés.
Pendant ce temps, les frappes aériennes de la Coalition ont également continué dans la région – ainsi que celles de la Russie et du régime d’Assad.
Outre le démenti de la Belgique, un porte-parole de la Coalition a raconté à Airwars que « contrairement à ce que les médias russes ont signalé, il n’y a aucune preuve de cet incident et les avions belges n’ont pas mené des kinetic operations à ce moment-là ». Selon les rapports officiels de frappes aériennes couvrant la période du 17 au 19 octobre, la Coalition a mené au moins cinq frappes « près de » Mara’a – une ville dans le nord du gouvernorat d’Alep.
Airwars a suivi un certain nombre d’autres potentiels cas de victimes civiles causées par des frappes aériennes dans la région récemment – mais ces rapports sont souvent assombris par l’incertitude.
Une «pause humanitaire» annoncée le 18 octobre par la Russie pour la partie orientale d’Alep – pour laquelle le pays a voulu montrer son innocence avec l’incident de Hassajek – a en réalité seulement commencée après l’incident. Au cours des derniers mois, les forces aériennes syriennes ainsi que russes ont été responsables de la mort de centaines de civiles à Alep et dans ses environs.
L’allégation d’Hassajek n’est pas la première fois que le régime d’Assad et ses alliés ont cherché à impliquer les forces de la Coalition. En juillet, le gouvernement syrien a cité la France comme étant responsable de frappes aériennes près de Manbij, à Alep, tuant au moins 73 civils. La France n’a pas déclaré de frappes dans ces zones.